Il est 08h; Paris s'éveille. [pv Ambre]

- Oh mon Dieu ! Je suis désolée ! Sincèrement, je ne sais pas comment…

Comme si elle avait des années d’expériences théâtrales derrière elle, Charly leva les yeux vers celle qu’elle venait de percuter et se mordit la lèvre ; feignant à la perfection un air à la fois contrit, désolé, embarrassé et sincère. Pour un observateur tiers, la scène n’était que ce qu’elle semblait être, une scène comme on peut en voir tous les jours sur les rues parisiennes. Acte 1, une jeune femme maladroite percute accidentellement une jeune femme distraite devant la terrasse d‘un restaurant, renversant un mélange de leur deux cafés sur son chemisier. Acte 2, jeune femme numéro 1 se répand en excuse et s’auto-flagelle devant jeune femme numéro 2. Tombée du rideau aléatoire, entre dénouement tragique ou comique selon le caractère de numéro 2. Scène banale s’il en est. Rien, absolument rien, n’aurait pu faire penser que Charlotte Vanderbergh avait fait exprès de foncer dans l’inconnue…

***

15 minutes plus tôt.

- Je suis sortit Laurianne, à ce soir !

Adressant un dernier signe de la main à sa colocataire, la jeune Vanderbergh attrapa ses clés dans le vide poche de l’entrée et ferma la porte de son appartement. Après avoir descendu les marches quatre à quatre, elle sortit de son immeuble et déboula sur le boulevard Poniatowski. Paris 12, 08h du matin. Déjà, les rues étaient pleines de parisiens, pas tous complètement remit de l‘étape dodo mais s‘apprêtant ensemble à entrer dans la phase métro pour rejoindre le boulot, suivant le flot continuel d’une population routinière. Contournant les passant, Charlotte traversa rapidement la route et arriva devant le café qui faisait face à son immeuble. Après avoir poussé la porte du petit salon de thé, elle se dirigea vers le comptoir en adressant un sourire au serveur qui se trouvait derrière.

- La même chose que d’habitude ?
- S’il te plait, acquiesça Charlotte.

Comme le jeune homme s’occupait de sa commande, Charly se laissa aller à le regarder plus attentivement. Jérémy Hanzmeyer, 22 ans, serveur à mi temps dans ce café cosy du boulevard Poniatowski. Le reste du temps, il était étudiant en droit. Blond aux yeux bleus, physique d’athlète et diablement sexy. Tous les matins, absolument tous les matins depuis que Charlotte avait ré emménager à Paris, elle venait acheter son café chez lui. Un garçon gentil, drôle, apparemment attentionné. Quelques jours plus tôt, il lui avait proposé un rencard, avec un sourire plein de fossettes. Charly avait décliné. Pourquoi ? Parce que depuis quelques temps, la Guerre Froide se jouait dans le cœur de la jeune femme. Au centre du conflit ? Adrien Delacroix.

- Ton café ! Avec ça, tu pourras maintenir éveillé tout un régiment. Et ça, c’est de la part de la maison.
- Merci Jérémy, répondit Charly avec un sourire en prime, récupérant son café habituel et le muffin au chocolat offert. A demain !

Sortant du café, la jeune femme s’apprêta à prendre la route pour son boulot avec une heure d’avance lorsqu’elle l’aperçut. Là, à une centaine de mètres de Charlotte et de son café. C’était inévitable, il fallait bien qu’elle la rencontre un jour…
Ambre Dehaye. Étudiante de 24 ans. Vive, joyeuse et gentille ; les trois mots récurrents qu’utilisaient les gens pour la décrire. Depuis qu’elle avait embrassé son petit ami, la journaliste qu’elle était s’était renseignée sur cette jeune femme inconnue. Andrew, dont la petite amie était la meilleure amie d’Adrien, lui avait fournit la plupart des infos, et la lui avait en prime montré de loin, alors qu’ils marchaient ensemble. Mais c’était la première fois que Charlotte se trouvait face à elle, avec l’occasion en main de l’aborder. Le type dont elle était tombée amoureuse avait une petite amie, et elle se trouvait à une centaine de mètres d’elle. Pendant quelques secondes, café et muffin en main, Charly se prit à espérer que cette fille soit une salope prétentieuse, hypocrite et superficielle ; elle culpabiliserait moins si c’était le cas. Un seul moyen de le savoir…

Sans prendre le temps de réfléchir, Charlotte reprit son chemin d’un pas pressé, les yeux rivés sur le sol. Arrivée à quelque pas de la jeune femme, elle provoqua le hasard, et d’un geste si étudié qu’il parut parfaitement accidentel, elle lui rentra dedans.

***

- Vraiment, je suis désolée ! S’excusa Charlotte devant une Ambre dont les vêtements étaient désormais maculés de café. Laissez-moi vous payer le teinturier, proposa-t-elle en se mettant à fouiller dans son sac, à la recherche de son porte feuille.

- Bonne journée chéri !

- Excusez-moi mais je préfèrerais trouver de quoi de me changer.

- Excusez-moi mais je préfèrerais trouver de quoi de me changer.

Charly serra le gobelet en carton vide qu’elle tenait dans sa main. Tout le contenu de son gobelet, absolument tout, était étalé sur la chemise de Mademoiselle Dehaye, et celle-ci trouvait le moyen de s’excuser.

Excusez-moi

Face à cette réaction à la fois sereine, diplomate et polie, la jeune Vanderbergh ne put s’empêcher de faire une comparaison stupide. Elle, elle n’aurais jamais réagit de la même manière. A vrai dire, si elle devait parier, elle aurait misé sur une réaction excessive, comme toujours. A coup sûr, elle aurait élevé la voix. Si la scène c’était passée avant d’aller au boulot le matin, elle aurait même carrément hurlé ! Et si le coupable portait un gobelet de café, elle le lui aurait soit volé, soit renversé au visage. Mais jamais au grand jamais elle ne se serait

Ainsi, la petite amie d’Adrien Delacroix, la femme qu’il aimait, était sereine. Le jeune brun aimait les femmes qui avaient du tact… Notant cette première différence entre elle et l’Amour de la vie de Celui-qui-ne-pourra-jamais-être-l’amour-de-sa-vie-à-elle, Charlotte se sentit plus abattue que jamais…

Sentant son cœur se serrer, la jeune blonde essaya rapidement de sonder le regard de sa rivale non avouée. Il ne fallait pas qu’elle se laisse abattre. Tout d’abord parce que Adrien n’était rien - ne pourrait jamais rien être - pour elle. Et puis aussi parce que le fait qu’elle soit polie ne voulait pas forcément dire que Mademoiselle Dehaye n’était pas la salope prétentieuse, hypocrite et superficielle qu’elle espérait tant rencontrer ! Peut-être fallait-il simplement gratter un peu plus la couche de la jeune fille comme il faut pour trouver une garce. Et à vrai dire, Charly avait en cet instant toutes les cartes en main pour gratter la dite couche à sa guise.

Baissant les yeux, la jeune femme se mordit la lèvre inférieure, comme à chaque fois qu’elle savait qu’elle s’apprêtait à mal agir. En l’occurrence, elle essaya de se convaincre qu’elle n’agissait pas mal ; elle cherchait juste à mieux connaître une certaine personne qui - disait-on - valait la peine d’être connue. Elle n’employait peut-être pas des moyens des plus classiques, mais ses actions n’étaient pas dictées par de mauvaises intentions. C’était déjà ça… Elle voulait simplement savoir. Avant d’avoir eu le temps de changer d’avis, la jeune Vanderbergh reprit la parole, avec une gêne et une timidité seulement à moitié feintes…

- A vrai dire, j’habite juste ici,

Et après ça,

je vous dois bien un café et des vêtements de rechange ! Vous voulez monter ?

Se rendant compte de l’étrangeté de cette invitation aussi soudaine que déplacée, Charlotte s’autorisa un sourire sincère ; un petit rire d’autodérision qui eu au moins le mérite d’apaiser le conflit intérieur qui se jouait dans sa tête.

- Si vous voulez, je vous prête ma bombe lacrymogène ! Comme ça, si une fois en haut je vous saute dessus avec un couteau de cuisine, vous aurez au moins de quoi vous défendre…

» Ambre Dehaye | Dite Reine Ambre
» Oh, juste histoire de prendre un verre ... ou six. [Pv Ambre D.]